« I wish I was still kissing you in front of Oblomov » : captation vidéo et réflexions autour d’un grand aboutissement

Au centre de cette pièce, la figure russe mythique d’Oblomov, maître de l’inertie. Et un bar homonyme tout aussi mythique, à Stuttgart, où un monde de possibles s’ouvre quand on y entre.

Cette pièce est d’abord un aboutissement de ma démarche explorant la communication entre compositeur et interprète à l’aide de partitions graphiques – la captation vidéo du geste de peindre ou de dessiner, une fois montée, constituant la partition remise aux musiciens. Cette dernière cherche à flouter les frontières entre les perceptions de l’auteur et du « réalisateur » en tentant d’approcher l’essence de leurs différences. Du côté du compositeur, j’ai tenté, depuis le début de ma série Intranquillités, de m’éloigner du culte de la précision du détail pratique – qui a occulté, chez moi, pendant longtemps, des aspects bien plus importants de mon rôle d’artiste – pour me consacrer à un culte qui me semble bien plus porteur de sens : la transmission aussi précise que possible d’un univers poétique, artistique.

Depuis Intranquillités I, l’indication suivante a conclu les notes d’interprétations de toutes mes oeuvres :

La partition a été conçue comme une mise en situation poétique très précise visant à mettre en valeur ce qui m’apparaît comme étant l’essence même de la relation compositeur/interprète : la transformation d’une idée artistique en sons chargés d’expériences de vie.

Du côté de l’interprétation, j’ai recherché différents moyens de redonner une responsabilité fondamentale au musicien : la liberté – et donc le devoir – d’interpréter, dans le sens le plus noble du terme, une idée, et de la donner à entendre, une fois chargée de la personnalité du musicien, à « l’autre », l’auditeur, étranger au processus, et lui permettre d’entrer dans une familiarité d’esprit, de sens, avec le couple compositeur/interprète. « Je veux être anonyme et intime, parler sans parler si c’est possible » (Clarice Lispector) – je désire plus que tout, au fil de ma démarche, m’exprimer. Mais non pas un « moi » romantique, égoïste, égocentré. Un moi qui serait plutôt une sorte de prisme chargé de son époque, de son vécu, un prisme personnel par lequel une émotion collective pourrait être véhiculée. Un moi qui prendrait conscience de sa vacuité mais aussi de sa responsabilité face à son identité comme somme et croisement d’altérités et de vécus.

I wish I was still kissing you in front of Oblomov. C’est le début d’une utopie, la suite d’une utopie. Une « utopie néo-radicale », comme le dirait la poétesse Mariève Maréchale. Chercher les racines d’un rêve à s’inventer. Oblomov est la suite logique de mes Intranquillités, mais où j’ai tenté pour une première fois de cesser de marcher à côté d’une joie (Saint-Denys Garneau). De cesser d’approcher l’intranquillité comme une négativité. De l’approcher plutôt avec, en tête, l’idée peut-être saugrenue que l’intranquillité, et non l’apaisement, pourrait être un équilibre sain de vie pour moi. Vivre d’utopies néo-radicales, c’est être porté vers l’avant, et être forcément déçu. Être apaisé, correspond plutôt à un travail d’acceptation. Accepter le monde qui m’entoure, je ne le peux ni ne le veux. Et je suis de plus en plus convaincu que ce refus est une attitude foncièrement positive.

à suivre…

  • Enregistrement en concert : 4 mai 2015
  • Partition vidéo par Symon Henry, captation par Jonathan Goulet
  • Ensemble Persona:
    • Audrey Côté, voix
    • Symon Henry, bawu et sheng
    • Stef Jackson, saxophone et saxodidj
    • Antoine Saint-Onge, basson
    • Matthias Soly-Letartre et Édouard Poliquin-Michaud, percussions

Publié par Symon Henry

Læ Symon Henry est un animal aquatique nocturne s’ébaubissant au contact des pensées complexes, des réalités fluides et des genres incertains. Ielle se transdisciplinarise principalement de musiques de concert, d’arts visuels et de poésies. Son recueil L’amour des oiseaux moches (2020, Omri) a été finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur Général ainsi qu’au Prix Émile-Nelligan et porté sur scène, avec sa musique et ses visuels, par l’Ensemble contemporain de Montréal (ECM+).

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